Une salariée avait été engagée en qualité de vendeuse le 11 juillet 2021 par la société CAMAÏEU.
Au terme d’un congé maternité de 6 mois, le 28 juillet 2015, la Salariée avait repris son poste avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou.
L’employeur avait demandé à la salariée d’ôter son foulard et, devant le refus de la Salariée, a fini par la licencier pour cause réelle et sérieuse (/faute simple) en date du 9 septembre 2015.
La salariée avait saisi le conseil de prud’hommes afin de dénoncer une discrimination liée à ses convictions religieuses et, partant, demander la nullité de son licenciement.
L’arrêt commenté est au cœur de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation relative aux libertés et droits fondamentaux du salarié dans l’entreprise, tout comme l’arrêt Cass., soc., 8 juill. 2020, n°18-23.743 relatif au port de barbe et déjà commenté par le cabinet.
En l’espèce, la cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, avait noté, d’une part, que l’employeur ne justifiait d’aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail au sein du règlement intérieur de l’entreprise ou d’une note de service et, d’autre part, que ce dernier avait explicitement fondé sa justification auprès des juridictions travaillistes sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale.
Par conséquent, le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, a été jugé était discriminatoire, donc nul.
Cass., soc., 14 avril 2021, n°19-24.079
Extraits de l’arrêt commenté :
« 6. Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en œuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. Aux termes de l’article L. 1321-3, 2°, du code du travail dans sa rédaction applicable, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
- L’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
- Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que la notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de l’article 4 § 1 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.
- Ayant d’abord relevé qu’aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, la cour d’appel en a déduit à bon droit que l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée.
- Après avoir relevé ensuite, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la justification de l’employeur était explicitement placée sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses, la cour d’appel a exactement retenu que l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l’article 4 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne.
- La cour d’appel en a déduit à bon droit que le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, qui était discriminatoire, devait être annulé.»
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Votre bien dévoué.
Charles-Elie MARTIN
Avocat à la Cour
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