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Très récemment, la Chambre Sociale a précisé pour la première fois que le préjudice résultant de l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements devait être justifié par le Salarié (Cass. Soc., 26 févr. 2020, n° 17-18.136), affinant un peu plus sa célèbre jurisprudence de 2016 (Cass. Soc., 13 avril 2016, n°14-28.293) et marquant un peu plus la distinction entre préjudice résultant de la loi (préjudice nécessaire) des autres (preuve impérative du préjudice).

 

Par son arrêt largement commenté du 13 avril 2016 (Cass. Soc., 13 avril 2016, n°14-28.293), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait effectué un revirement de jurisprudence s’agissant de la démonstration du préjudice allégué par le Salarié.

En effet, préalablement à ce revirement de jurisprudence, le seul manquement de l’employeur à l’une de ses obligations emportait sa condamnation et les juges du fond devaient se contenter d’apprécier le montant de cette condamnation, c’était la théorie dite du « préjudice nécessaire ».

Face aux dérives que cela pouvait engendrer mais également dans le dessein d’uniformiser la jurisprudence Sociale et Civile, la Cour de cassation a renversé le principe est rend dorénavant le salarié débiteur de la preuve de son préjudice et plus seulement du manquement de l’employeur en jugeant que : « L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que le salarié n’apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

En l’espèce, il s’agissait de la remise tardive par l’employeur de bulletins de salaire et d’un certificat de travail.

Il était alors opportun de s’interroger sur la portée de cet arrêt afin de savoir si tout préjudice allégué par le Salarié devait désormais être prouvé ou si ce revirement ne concernait que la remise tardive de certains documents. 

La jurisprudence n’a pas tardé à répondre au cas par cas à cette problématique, en élargissant sans cesse la portée de ce nouveau principe (à titre d’exemples s’agissant du non-respect de la procédure de licenciement (Cass. Soc., 13 sept. 2017, n° 16-13.578), le non-paiement d’heures supplémentaires (Cass. Soc., 29 juin 2017, n° 16-11.280) ou encore l’illicéité de la clause de non-concurrence).

Par ailleurs, l’on sait que lorsque les textes prévoient des indemnisations plancher (notamment les articles L. 1235-3, L. 1235-13 ou L. 1235-5 du code du travail ; respectivement pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, le non-respect de la priorité de réembauche et s’agissant de la carence fautive dans la mise en place du CSE lors d’une procédure de licenciement pour motif économique), la jurisprudence indemnise, au moins à ce montant plancher, le salarié qui prouve le manquement de l’employeur.

Par un récent arrêt du 26 février 2020 (Cass. Soc., 26 févr. 2020, n° 17-18.136), la Chambre sociale de la Cour de cassation précise à nouveau sa jurisprudence en matière de démonstration du préjudice s’agissant de l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements.

C’est la première fois que la Cour de cassation applique au non-respect des règles relatives aux critères d’ordre des licenciements sa jurisprudence selon laquelle l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

En l’espèce, le Salarié a tenté d’échapper à la jurisprudence de 2016 en invoquant une atteinte à un droit extra-patrimonial et en tirant pour conséquence l’existence d’un préjudice de principe dont seule l’évaluation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Manifestement, la Cour de cassation n’a pas été sensible à cet argumentaire.

Se confirme alors une alternative des plus évidente :

  • Si le préjudice invoqué par le Salarié n’est pas expressément prévu par la loi, ce dernier devra nécessairement apporter des éléments afin de justifier le préjudice allégué ;
  • Si le préjudice allégué par le Salarié est prévu expressément par la loi, il pourra se contenter de prouver le manquement de son employeur afin d’au moins, pourrait-on dire de manière automatique, bénéficier du minimum prévu.

Toutefois, si le Salarié souhaite obtenir une condamnation de son employeur à une somme plus importante que le plancher prévu, il devrait apporter des éléments afin d’en justifier dans la limite, s’agissant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, du plafond légal, mais cela est un autre débat…

 

Je me tiens à votre entière disposition pour toute difficulté que vous pourriez rencontrer en matière de Droit Social, aussi bien en termes de conseil que de contentieux. Le cabinet se fera un plaisir de vous accueillir et de vous accompagner au mieux de vos intérêts.

Votre bien dévoué,

Charles-Elie MARTIN

Avocat à la Cour

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